Dans la lutte contre la criminalité financière, les journalistes d’investigation peuvent jouer un rôle crucial : en menant et en publiant des enquêtes, ils informent le grand public, et peuvent également soutenir les autorités judiciaires en leur fournissant de précieuses informations.
Convaincu de l’importance du rôle des journalistes d’investigation dans la LBC/FT, le projet OCWAR-M a organisé, du 20 au 23 septembre 2022, sa première formation destinée à ce public à la Maison de l’Alerte à Dakar, en partenariat avec la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF). Durant quatre jours, sept journalistes sénégalais ont suivi une formation à portée opérationnelle, dispensée par trois journalistes d’investigation : Moussa Aksar de l’Evénement et de la cellule Norbert Zongo, Yann Philippin de Mediapart et Sonia Rolley de Reuters.
Ensemble, les formateurs et les participants ont abordé de nombreux thèmes, tels que la spécificité de la pratique de l’investigation par rapport à d’autres types de journalisme, le développement d’un réseau de sources, le choix d’un sujet d’enquête ou l’utilisation d’outils de communication sécurisés.
Mais cette formation avait avant tout un objectif pratique : il s’agissait de fournir aux journalistes les clés nécessaires pour enquêter sur les infractions financières.
Ces dernières années, beaucoup d’enquêtes de grandes envergure, menées par des journalistes d’investigation à travers le monde, se sont basées sur des fuites de documents, ou « leaks », qui ont permis de révéler de nombreuses infractions financières. Pour traiter ces informations, il est cependant nécessaire de savoir lire les documents transmis, ou de savoir sur quelles sources s’appuyer pour contextualiser ou compléter les informations reçues. Les sept journalistes ont ainsi travaillé sur différents cas pratiques, pour retracer avec les formateurs les étapes du travail d’enquête financière. Ces travaux ont été complétés par une intervention de la CENTIF du Sénégal, venue échanger avec les journalistes sur les missions et le fonctionnement de la cellule de renseignement financier.
A l’origine de ces fuites de documents, on trouve parfois des lanceurs d’alerte : il s’agit des personnes qui révèlent des informations sur des actes illégaux, illicites ou contraires à l’intérêt général dont ils ont été témoins, notamment dans le cadre de leur travail. Il est essentiel pour les journalistes d’investigation d’apprendre à travailler avec ces acteurs, qui peuvent jouer un rôle central dans la révélation d’infractions financières. Henri Thulliez, Jimmy Kandé et Fadel Barro, représentants de la PPLAAF, qui a assuré la protection de plusieurs lanceurs d’alerte sur le continent et contribué à la diffusion de leurs révélations, ont ainsi échangé avec les journalistes sur la coopération avec ces acteurs et la nécessité de les protéger.
En complément de ces modules, les journalistes ont assisté à une présentation du responsable Afrique francophone du Réseau international de journalisme d’investigation (GIJN), qui a présenté aux participants les outils mis à disposition des journalistes par le Réseau.
La constitution d’un petit groupe de journalistes et la présence de trois formateurs et de représentants de la PPLAAF a permis de favoriser les échanges lors de ces quatre jours. L’objectif était de favoriser le partage d’expérience, mais aussi la création d’un réseau, tant entre les journalistes sénégalais qu’entre les participants et les formateurs. En effet, les journalistes d’investigation ont plus de chances de mener à bien leurs enquêtes de manière conjointe : cela permet non seulement de mettre en commun les ressources, mais aussi de mieux garantir leur sécurité et d’accroître la portée de la diffusion des résultats de l’enquête.
Une seconde formation de journalistes d’investigation sera organisée par OCWAR-M et la PPLAAF en Gambie dans les mois à venir.