Le 6 avril 2021, le Parlement guinéen a adopté une nouvelle loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT). Monsieur Koly Mara, Président de la CENTIF de Guinée et correspondant national du GIABA, nous en dit plus sur cette loi et sur l’action menée par son pays en matière de LBC-FT, à laquelle contribue le projet OCWAR-M.
Quels sont les principaux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme en Guinée ?
Les principaux risques auxquels la Guinée est exposée ont été identifiés par L’Evaluation Nationale des risques (ENR) de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme dont le rapport provisoire est en voie de finalisation après les observations et commentaires de la Banque Mondiale.
Ces risques sont évalués en termes de menaces et vulnérabilités. Ainsi, sont considérées comme menaces élevées les infractions sous-jacentes ci-après :
- La corruption et le détournement des deniers publics
- Le faux et usage de faux
- Le trafic de drogues
- Le trafic de migrants
- La criminalité environnementale
- La fraude fiscale
- Le trafic d’armes
- La contrebande de marchandises et de produits contrefaits et périmés.
Au niveau sectoriel, l’ENR a identifié les secteurs ci-après comme étant les plus exposés aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme :
- Le secteur immobilier et foncier
- Le secteur minier, notamment au niveau de l’achat d’or et de diamant
- Le secteur du change manuel et des transferts d’argent
- Le secteur bancaire.
En quoi la nouvelle Loi relative à la LBC/FT adoptée le 6 avril 2021 est –elle nécessaire dans le contexte actuel ?
Effectivement la Guinée vient de se doter d’une nouvelle Loi relative à la LBC/FT qui a été adoptée le 6 avril 2021. Cette Loi vient à point nommé dans le contexte actuel, car elle permet de combler plusieurs lacunes identifiées dans les deux précédentes Lois relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en mettant en œuvre les recommandations du Groupe d’Action Financière (GAFI).
Ainsi, la nouvelle Loi consacre :
- Dans son article 14 : l’ENR à réviser tous les trois ans ou au besoin et l’application de l’approche fondée sur les risques (Recommandation 1 du GAFI) par le renforcement ou la simplification des mesures de vigilance selon les risques
- Dans son article 13 : le renforcement de la coopération et la coordination nationales avec la création du Comité national de coordination (Recommandation 2 du GAFI) dont les missions sont définies et renforcées ;
Dans son article 20 : la mise en œuvre des Résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies en matière de lutte contre le Financement du terrorisme (Recommandation 6 du GAFI); - Dans ses articles 35 à 37 : l’élargissement de la liste des Personnalités Politiquement Exposées (PPE) et le renforcement de la vigilance à leur égard (Recommandation 12 du GAFI);
- Dans son article 96 et ses articles 75 à 86 : la CRF est désignée Autorité de contrôle et de supervision des EPNFD et ses pouvoirs, son autonomie et son indépendance sont renforcés par son placement sous la tutelle de la Banque Centrale de la République de Guinée (Recommandation 29 du GAFI) ;
- Dans ses articles 15 à 19 : l’obligation pour les différents acteurs concernés par la LBC/FT de tenir et de fournir les statistiques pour contribuer à l’ENR;
- Dans son article 50 : l’obligation de mise en place d’un dispositif de LBC/FT pour les Institutions financières ;
- Dans ses articles 58 à 60 et 101 : les mesures préventives et des dispositions particulières concernant les Prestataires de Services d’Actifs Virtuels (PSAV) ;
- Dans ses articles 104 à 109 : le renforcement des sanctions liées aux infractions de BC/FT (Recommandation 35 du GAFI).
Telles sont, entre autres, les principales avancées apportées par la nouvelle Loi relative à la LBC/FT pour améliorer et renforcer l’efficacité du dispositif national de LBC/FT et permettre à la Guinée d’être conforme dans plusieurs recommandations du GAFI lors de l’évaluation mutuelle du second cycle de janvier 2022.
Dans quelle mesure l’accompagnement du projet OCWAR-M soutient–il la Guinée ?
Le projet OCWAR-M accompagne actuellement la Guinée dans le cadre du renforcement de son dispositif national de LBC/FT à l’instar des autres États membres du GIABA. Cet accompagnement, très précieux pour notre pays, se décline en plusieurs activités, notamment :
- L’adhésion de la CRF au Groupe Egmont
La CRF bénéficie de l’appui technique du projet OCWAR-M dans son processus d’adhésion au Groupe Egmont. Cet appui a permis, dans une première phase, de tenir deux ateliers virtuels en décembre 2020 au cours desquels un plan d’action a été établi ; le projet OCWAR-M a recruté une consultante à cet effet. - L’amélioration de l’efficacité opérationnelle de la CRF
L’action mise en place dans le cadre de l’activité DOSNET est largement appuyée par OCWAR-M. Son aboutissement permettra à la CRF de se doter d’un outil informatique et logistique performant et d’améliorer la qualité de son travail. - La formation de formateurs en matière de LBC/FT
Le cycle de formations proposé par le projet OCWAR-M sera initié à travers un atelier prévu en mai 2021. Au moins quatre cadres guinéens appartenant à la Chaine pénale bénéficieront de cette formation, et à travers eux plusieurs autres cadres qui seront également formés. - La formation et la sensibilisation des acteurs de la société civile et des médias sur la LBC/FT
Un partenariat est en cours d’élaboration avec l’ONG Club Humanitaire de Guinée et la CENTIF.
Ce sont là les actions importantes de la LBC/FT pour lesquelles le projet OCWAR-M apporte son accompagnement à la Guinée.
Pour terminer, je voudrais au nom des autorités guinéennes, remercier les partenaires techniques et financiers (PTF) qui apportent leur appui important et renouvelé à la Guinée pour le renforcement de son dispositif de LBC/FT. Il s’agit notamment de :
- L’Union européenne (qui finance le projet OCWAR-M mis en œuvre par Expertise France) ;
- La Banque mondiale pour son appui technique à l’ENR ;
- Le FMI pour son assistance technique à l’élaboration du projet de Loi relative à la LBC/FT et au renforcement de capacité des acteurs concernés par la LBC/FT ;
- L’ONUDC pour la formation des cadres formateurs en enquêtes financières ;
- Le GIABA pour l’efficacité du suivi, de la formation et de l’appui aux Etats membres.