Le pays du mois : Le Sénégal

Ce mois-ci, M. Mor Ndiaye, Directeur Général de l’Office national de recouvrement des avoirs criminels (ONRAC) du Sénégal, nous en dit plus sur cette institution qui a un rôle clé à jouer dans le dispositif LBC/FT de ce pays.

  1. Depuis juillet 2021, le Sénégal s’est doté d’un Office national de recouvrement des avoirs criminels, dont vous avez pris la tête : pouvez-vous nous expliquer le rôle et les missions de cette institution ?

L’ONRAC, cet établissement public à caractère administratif sous la tutelle administrative du Ministère en charge de la Justice et la tutelle financière du Ministère en charge des Finance et du Budget a été créé par la loi n° 2021-34 du 23 Juillet 2021 modifiant la loi n° 65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de Procédure pénale. Le Décret n°2021-1064 du 11 août 2021 en fixe les règles d’organisation et de fonctionnement. L’Office a pour rôle de contribuer à l’efficacité de l’action publique par l’amélioration de la gestion des avoirs saisis dans le cadre d’une procédure pénale et à l’effectivité de la sanction pénale, notamment celle de la peine complémentaire de confiscation.

L’office a essentiellement pour missions :

  • la gestion de tous les biens saisis, confisqués ou faisant l’objet d’une mesure conservatoire au cours d’une procédure pénale qui lui sont confiés et qui nécessitent, pour leur conservation ou leur valorisation, des actes d’administration ;

  • le recouvrement et la gestion des sommes d’argent faisant l’objet de cautionnement en matière pénale ;

  • la gestion centralisée de toutes les sommes saisies lors de procédures pénales ;

  • l’aliénation ou la destruction des biens dont il a été chargé d’assurer la gestion ;

  • l’indemnisation des victimes sur les biens confisqués de leurs débiteurs.

  1. Pour quelles raisons la création de l’ONRAC était-elle cruciale pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au Sénégal ?

Assurément, la mise en place de cet organe constitue une avancée majeure hautement appréciée par les évaluateurs de notre dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en l’occurrence le Groupe d’Action Financière (GAFI) et le Groupe d’Action intergouvernementale de lutte contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA).

L’office était le maillon manquant du dispositif sénégalais de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Avec le nouveau régime des saisies et confiscations, le principe qui voudrait que le crime ne puisse jamais payer sera traduit en actes concrets et les délinquants ou criminels ne devront plus pouvoir bénéficier des avoirs issus de leurs comportements et actions prohibés.

L’absence d’un dispositif dédié à la gestion des saisies et confiscations des avoirs criminels, cette lacune qui avait été relevée par l’ICRG1 du GAFI, est désormais comblée avec la création de l’ONRAC. L’organe est devenu opérationnel avec un effectif, à ce jour, de quatorze agents. Une tournée nationale, que j’ai initiée avec mon équipe, a été effectuée du 6 au 16 juin 2022 pour rencontrer les différentes autorités judiciaires des six Cours d’Appel et des Tribunaux de Grande Instance sur l’ensemble du territoire. Cette tournée nous a menés, après Dakar, à Ziguinchor, Tambacounda, Kaolack, Fatick, Thiès et Saint -Louis.

Cette tournée, qui s’est traduite par des visites de courtoisie, d’échanges et de présentation de la nouvelle structure et de ses missions ainsi que l’identification des axes de collaboration, s’inscrivait dans le cadre de la vulgarisation et de l’opérationnalisation de l’Office. Auparavant, dans le même ordre d’idées, j’avais initié différentes rencontres avec les directions générales des Impôts et Domaines, de la Comptabilité publique et du Trésor, de la Caisse des Dépôts et des Consignations, de la Police nationale, du Haut-Commandant de la Gendarmerie, de la Justice militaire, la CENTIF, l’Office National de lutte contre la Fraude et Corruption (OFNAC) et différents établissements bancaires de la place.

Du 18 au 22 juillet 2022, l’ONRAC organisera, en partenariat avec le projet OCWARM, un séminaire national sur les saisies et confiscations à l’attention des autorités d’enquête et des autorités judiciaires sénégalaise avec la participation d’experts internationaux.

  1. Le projet OCWAR-M vous accompagne dans la mise en place de l’ONRAC : pouvez-vous nous parler de cet accompagnement, et de ce qu’il apporte à cette institution ?

Le projet OCWARM est un partenaire privilégié de l’ONRAC depuis sa Genèse. Avant même la création de l’ONRAC, OCWARM avait élaboré, dans le cadre de son activité de renforcement de la chaîne pénale LBC/FT du Sénégal, un plan d’action comprenant l’appui à la création et à l’opérationnalisation de l’Office. C’est ainsi que le projet OCWARM a facilité les visites techniques d’échanges effectuées en France en mars dernier, en vue de relations continues et approfondies à poursuivre dans le cadre du développement des activités de l’ONRAC : promotion de la saisie, sensibilisation et formation de tous les acteurs, judiciaires et extra judiciaires, concernés par la saisie et le recouvrement des avoirs criminels, qu’il s’agisse de fonds ou de biens, meubles ou immeubles. Au cours de cette visite, j’ai rencontré mon homologue de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) Nicolas BESSONE et son équipe, la Plateforme d’Identification des Avoirs criminels (PIAC), sans oublier bien sûr le Procureur National Financier (PNF), les magistrats du siège, instruction et Parquet du Pôle Financier du Tribunal Judiciaire de Paris et la Direction des affaires européennes et internationales (DAEI) du Ministère de la Justice Français. Il a été retenu également qu’une équipe de l’ONRAC se rendrait à l’AGRASC pour une immersion au niveau des différents services de cette agence ayant déjà capitalisé une expérience de onze ans de fonctionnement depuis sa création en 2010.

 

M. Nicolas BESSONE, Directeur Général de l’AGRASC et M. Mor NDIAYE, Directeur Général de l’ONRAC
Réunion avec la Direction des Affaires Européennes et Internationales (DAEI) du Ministère français de la Justice.
1 L’International Co-operation Review Group, ou Groupe de Revue de la Coopération Internationale, du GAFI identifie les pays présentant des déficiences particulières en termes de LBC/FT.
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